Éditeur, auteur, chercheur, historien et journaliste, Patroclos Stavrou a été secrétaire d'État auprès du président de la République de Chypre pendant trente ans (1963-1993), cas unique dans les annales de la République de Chypre. Il a travaillé auprès de quatre présidents successifs1, en commençant par le fondateur et premier président de la République de Chypre, Mgr Makarios, dont il a été le proche collaborateur pendant vingt-sept ans.
Né en 1933 à Nicosie, il a obtenu son diplôme d'études secondaires au lycée panchypriote, puis, grâce à une bourse de l'archevêque Makarios, il a étudié à la faculté de philosophie de l'université d'Athènes. Au cours de ses études, il a été nommé président de l'union des étudiants Platon de la faculté de philosophie, du comité inter-étudiants pour la lutte chypriote (PEKA), du comité administratif des associations de l'université d'Athènes (DESPA) et de l'union nationale des étudiants chypriotes (EFEK). De 1951 à 1959, il a participé à la lutte nationale pour la libération de Chypre. De 1957 à 1960, il a été le secrétaire particulier de l'archevêque Makarios à Athènes et à Nicosie.
En 1960, après la proclamation de l'indépendance de Chypre, il est devenu chef de cabinet de l'archevêque Makarios, président de la République de Chypre. En 1963, il a été nommé secrétaire d'État auprès du président, poste qu'il a occupé jusqu'en juin 1993. En tant que chef de cabinet du président, proche collaborateur et secrétaire général du palais présidentiel, il rendait compte de sa mission directement au président. Il s'est rendu dans de nombreux pays et a participé à des congrès internationaux politiques et culturels, à des conférences internationales, à des assemblées générales des Nations unies, à des sommets du mouvement des non-alignés ainsi qu'à des conférences réunissant les premiers ministres et présidents des pays du Commonwealth, soit en tant qu'accompagnateur du président de la République, soit en tant qu'envoyé spécial et représentant de la République de Chypre.
Dans le cadre – entre autres – de ses fonctions étatiques, il s'est attaché à développer et à promouvoir la culture chypriote, Chypre devenant ainsi un foyer de création culturelle et n'étant plus seulement connue comme un lieu de conflits. Il a particulièrement étudié l'œuvre de notre poète national, Kostis Palamas. Son ouvrage Ο Παλαμάς και η Κύπρος2 a été récompensé par l'Académie d'Athènes en 1969. C'était le premier Chypriote à se voir décerner un prix par l'Académie d'Athènes.
Depuis au moins une quarantaine d'années, il se consacre à la vie et à l'œuvre de Nikos Kazantzakis. La veuve de l'écrivain universel, Eleni N. Kazantzakis, l'a adopté en 1982 et lui a cédé en 1995 par une donation parentale les droits d'auteur de l'œuvre de Nikos Kazantzakis. Par son testament établi en 1982, à Genève, elle l'a désigné comme légataire universel. En 1989, Eleni N. Kazantzakis a quitté Genève pour Athènes où elle a vécu dans la famille de Patroclos Stavrou jusqu'à sa mort, à l'âge respectable de 101 ans, le 18 février 2004, jour anniversaire de la naissance de Nikos Kazantzakis.
Lors du coup d'État traître du 15 juillet 1974, perpétré contre Chypre et le président Makarios par la junte militaire d'Athènes, Patroclos Stavrou se trouvait au palais présidentiel aux côtés de Mgr Makarios dont il devait par la suite largement favoriser la fuite et permettre le salut. Il a été arrêté par les putschistes et libéré le 20 juillet 1974, jour de l'invasion de Chypre par la Turquie. Ce jour-là, à Keryneia, son épouse Mary, leur fille de dix-huit mois Niki ainsi qu'Eleni N. Kazantzakis ont été faites prisonnières par les envahisseurs turcs.
A la mi-août 1974, appelé par Mgr Makarios qui avait choisi l'exil, il s'est rendu à Londres où il s'est mis à son service. La chute de la junte à Athènes, le 24 juillet 1974, a également entraîné à Chypre l'effondrement du putsch inepte et de son « gouvernement » à Chypre. Le 7 décembre 1974, Patroclos Stavrou a regagné Chypre avec le président Makarios et a repris ses fonctions de secrétaire d'État auprès du président de la République, fonctions interrompues le 15 juillet 1974 par le putsch. Mgr Makarios lui a alors confié la gestion des questions humanitaires de la tragédie chypriote : les disparus, les enclavés et les victimes. Mgr Makarios est décédé trois ans plus tard, au petit matin du 3 août 1977, entouré de sa sœur Maria Chatzikleanthous, de Patroclos Stavrou et de ses médecins. Patroclos Stavrou a conservé son poste de secrétaire d'État, se mettant au service de sa patrie rudement éprouvée.
En juin 1991, la faculté de philosophie de l'université d'Athènes l'a élevé au rang de docteur honoris causa en « juste reconnaissance de ce qu'il a toute sa vie durant apporté aux études néohelléniques et à la question nationale chypriote ». De nombreux pays l'ont également honoré par des décorations, des distinctions d'État, de l'Église ou autres. La Grèce lui a d'abord remis la Croix des commandeurs de l’ordre du Phénix puis la Grand-Croix de l’ordre du Phénix. En 1963, la ville de Messolonghi lui a décerné la médaille du mérite de Christos Kapsalis pour « sa vertu et l'intérêt qu'il porte à la ville ». En 1998, le comité national arménien de Chypre l’a élu « personnalité de l’année 1998 pour les services rendus à la nation arménienne ». Le 9 mars 2001, la municipalité de Thessalonique – par la décision 350/1-3-2001 du conseil municipal – lui a remis à titre honorifique la plaque de la ville « en reconnaissance de la richesse de son œuvre littéraire et de sa grande contribution à la question nationale chypriote ». Le 16 mai 2001, le gouverneur de l'État de New York, George E. Pataki, lui a remis un diplôme honorifique « en reconnaissance de sa contribution impressionnante à l'éducation et à la culture grecques, à la lutte nationale chypriote et à la promotion et diffusion de la vie et de l'œuvre de Nikos Kazantzakis ». En mai 2001, l'union des associations crétoises de New York et de Long Island l’a décoré pour « son importante contribution à la préservation et à la pérennisation de l'esprit grec immortel, pour ses efforts pour promouvoir l'œuvre littéraire du grand Crétois Nikos Kazantzakis, pour les luttes qu'il a menés et pour sa foi dans les idéaux grecs et chypriotes ». Parmi les pays qui l'ont distingué, on peut citer l’Égypte, le Liban, l’Allemagne, la Tchécoslovaquie, la Suède, l’Éthiopie, l’Autriche, l’Espagne, le Portugal. Il a aussi reçu une décoration du patriarche d’Alexandrie et de toute l’Afrique, sa béatitude Parthenios III, ainsi que du patriarche des Arméniens de la Grande Maison de Cilicie, sa Sainteté Aram 1er. Le 2 octobre 2002, le maire d’Athènes, Dimitris Avramopoulos, lui a décerné la médaille de la ville d’Athènes « pour sa contribution à la promotion des lettres grecques et au renforcement des liens fraternels entre Chypre et la Grèce ».
Patroclos Stavrou a donné de très nombreuses conférences et allocutions – entre autres – sur Chypre, Mgr Makarios et Kazantzakis, dans des universités, des grandes écoles, des musées, des lycées et autres instituts, en Grèce et dans des communautés grecques de l'étranger. Il a également accordé des interviews à des journaux, des magazines, des radios et des télévisions de nombreux pays tels que la Grèce, la France, l'Angleterre (BBC), la Suède, l'Allemagne, l'Italie, la Corée, les États-Unis, l'Australie, le Canada etc. Un large extrait de son discours bien documenté sur le pillage et la destruction de l'héritage culturel de Chypre par la Turquie a été inséré dans les procès-verbaux du Congrès américain (vol. 133, no 97, 15 juin 1987).
Il a publié l'ouvrage du capitaine P.S. Le Geyt, Makarios in Exile. Il a – entre autres – écrit et publié Κατάλογο πινάκων, έργων τέχνης και ιστορικών εγγράφων3 de l'archevêché de Chypre, l'ouvrage Ο Παλαμάς και η Κύπρος et l’album Cyprus, The Sweet Land (en anglais et en allemand). Il a également traduit en anglais avec Kypros Psyllidis les deux tomes de Ιστορικό Λεύκωμα της Ελληνικής Επαναστάσεως 18214 récompensés par l’Académie d’Athènes.
En 1983, il a suggéré au président de la fondation A. G. Leventis, Konstantinos Leventis, de réunir et d'éditer les œuvres de tous les écrivains chypriotes depuis l'antiquité jusqu'au XVIIIe siècle. Cette suggestion a été immédiatement acceptée et Patroclos Stavrou a organisé, coordonné et dirigé la publication de Αρχαία Κυπριακή Γραμματεία5. Quatre professeurs d'université ont participé à ce projet en six volumes, soit 3700 pages en comptant les textes, la traduction, les commentaires, l'appareil critique et les références historiques. Cette Αρχαία Κυπριακή Γραμματεία a fait l'objet d'une présentation officielle dans la grande salle des cérémonies de l'université nationale et capodistrienne d'Athènes le 11 décembre 2009. Le professeur de littérature comparée de l'université de Cambridge, Geoff Horrocks, invité à la cérémonie, a encensé Αρχαία Κυπριακή Γραμματεία ainsi que Patroclos Stavrou qui en a dirigé l'édition. Αρχαία Κυπριακή Γραμματεία a été officiellement présentée à l'université de Chypre le 18 mars 2010. Patroclos Stavrou s'emploie également à réunir, en vue de les publier, les textes de Nikos Kazantzakis qui sont disséminés dans des journaux et revues depuis le début du siècle dernier.
Il est depuis leur création membre du conseil d'administration de la fondation de l’archevêque Makarios III, de la fondation A. G. Leventis à Chypre et membre de la commission des programmes de recherche de la fondation Leventis à l'université de Chypre. Il a inlassablement travaillé à la création du musée Nikos Kazantzakis à Varvari (Myrtia), au sud d'Héraklion, en Crète, tout comme l'a fait Eleni N. Kazantzakis qui a fourni la plupart des œuvres du musée.
Patroclos Stavrou continue sans relâche de participer activement à la vie publique, nationale, politique et culturelle. Ses apparitions médiatiques (journaux, magazines, télévisions, radios) et interviews sont fréquentes et concernent Chypre, Mgr Makarios et Kazantzakis. De très nombreux ouvrages sur Chypre, son histoire, son art, ses luttes, sa vie, sur Mgr Makarios et son parcours, sur Nikos Kazantzakis, sa vie difficile et son œuvre universelle, ont vu le jour grâce au soutien et aux conseils de Patroclos Stavrou. Cet apport est reconnu et tous ces ouvrages en font mention.
Patroclos Stavrou s'est fixé deux objectifs : rendre justice à Chypre et remplir son obligation morale envers Mgr Makarios, Nikos Kazantzakis et son épouse Eleni N. Kazantzakis qui l'a choisi pour perpétuer son œuvre au service de l'héritage immortel de Nikos Kazantzakis.